Propos du Président
Ainsi que nous lâavions Ă©voquĂ© dans les diffĂ©rentes assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales auxquelles nous avons participĂ©, vous venez de recevoir le premier bulletin de liaison numĂ©rique promis par la FDAL.
Dans ce premier numĂ©ro, nous vous proposons un peu de rappel historique sur la crĂ©ation des amicales laĂŻques et le rĂŽle de celles-ci dans le dĂ©veloppement de lâĂducation Populaire. Vous trouverez Ă©galement un article sur la « journĂ©e dĂ©branchĂ©e » que nous avons enfin pu rĂ©aliser grĂące au desserrement des contraintes sanitaires, qui malheureusement, risquent de se durcir Ă nouveau.
Vous retrouverez une prĂ©sentation du site de la FDAL dont nous souhaitons quâil se complĂšte, notamment dans la rubrique « actualitĂ©s », avec vos propres manifestations.
Nous vous rappelons lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la FDAL qui aura lieu le vendredi 14 janvier Ă Douai.
La journée débranchée
Cette année, nous avons pu reprendre nos activités aprÚs une période difficile liée au Covid.
La directrice, Madame Marine HOUSEAUX et ses collÚgues ont été trÚs réceptives à la mise en place de cette action, déjà prévue et reportée en raison de la pandémie.
Les parents dâĂ©lĂšves, invitĂ©s Ă participer en pilotant les groupes dâenfants dans les diffĂ©rents ateliers, les ont accompagnĂ©s avec beaucoup de plaisir.
9 ateliers ont été proposés lors de cette journée : junicode, origami, danse, jeux anciens, sarbacane, compostage, conte, rythme et percussions, théùtre avec travail sur les émotions.
Participaient Ă cette actions les associations suivantes :
amicales laĂŻques de Roost-Warendin, Coutiches, Flers-centre, Douai-centre, le cyclo-club de Flines lez RĂąches, les maĂźtres composteurs du Symevad, des intervenants individuels compĂ©tents Ă©vincĂ©s de la fĂ©dĂ©ration du Nord de la Ligue qui se mobilisent pour nos actions. Cette journĂ©e a Ă©tĂ© lâoccasion de renouer le contact avec les enseignants, les parents et les enfants. La satisfaction de tous et toutes Ă©tait au rendez-vous et nous sommes prĂȘts Ă recommencer cette expĂ©rience enthousiasmante.
HISTOIRE DES AMICALES LAĂQUES
Former une jeunesse laĂŻque : les amicales entre Ăducation Populaire et civilisation des loisirs
Ni dans les Ă©tudes sur lâhistoire de lâEducation Populaire, peu dĂ©frichĂ©e, il est vrai, ni dans celle des loisirs, ni dans celle de lâĂ©cole nâapparaissent les mouvements de lâĂ©ducation post-scolaire, dont les amicales forment lâarmature, sinon sous quelques allusions rapides. Or, si le Front Populaire reste la pĂ©riode reconnue de lâĂ©mergence politique de lâĂducation Populaire, il nâest pas inutile de rappeler que la gĂ©nĂ©ration au pouvoir en 1936-37 a Ă©tĂ© porteuse dâidĂ©aux portĂ©s bien avant elle (1866) par les Ă©ducateurs de la Ligue de lâenseignement et traduits en partie par les amicales laĂŻques. Les missions que celles-ci se sont donnĂ©es, la culture quâelles ont voulu promouvoir, les cĂ©rĂ©monies auxquelles elles ont participĂ© dessinent les contours dâune Ćuvre de mission. Elles ont oeuvrĂ© sur un terrain hostile, largement occupĂ© par des Ćuvres religieuses. LâEglise et ses rĂ©seaux structurĂ©s constituaient pour les militants laĂŻques un danger sans cesse dĂ©noncĂ©. Si lâon ne prend pas en compte la confrontation des premiers aux seconds, le sens de lâaction des militants laĂŻques se perd dans un horizon apaisĂ© qui Ă©dulcore la rĂ©alitĂ©. RĂ©ussite, tĂątonnements, Ă©checs, adaptations, cette histoire est loin dâĂȘtre linĂ©aire mĂȘme si les valeurs fondamentales quâelle promeut ne varient guĂšre â libertĂ© et patrie â mais dont les choix et mĂ©thodes doivent prendre en compte leurs demandes spĂ©cifiques, câest dans ce double mouvement, dont tĂ©moigne lâhistoire des amicales laĂŻques, non sans adaptation parfois douloureuse pour les militants.
I. Une mission ambitieuse : complĂ©ter lâĂ©ducation du futur citoyens.
Le souhait profond du fondateur de La Ligue de lâenseignement en 1866, on le sait, est que lâenseignement laĂŻque forme des citoyens lucides, capables dâexercer leur droit de vote en toute conscience, cela aprĂšs la confiscation du pouvoir par Napoleon III aprĂšs le coup dâEtat du 2 dĂ©cembre 1851. Mais lâoeuvre de Jean MACĂ nâen a pas terminĂ© avec le vote des lois scolaires des annĂ©es 1880. Elle ressent la nĂ©cessitĂ© dâĂ©largir ses missions dĂšs les annĂ©es 1890. Aussi lance-t-elle en 1894 un appel aux forces rĂ©publicaines en faveur de la crĂ©ation dâamicales qui seront chargĂ©es de complĂ©ter lâĂ©ducation des adolescents. La France, ses grandes villes surtout, se couvrent de ces associations, mais la Grande Guerre casse tout un Ă©lan, qui ne reprend que difficilement. Ă Lyon, le mouvement laĂŻque est fortement encouragĂ© par la mairie, les amicales prospĂšrent et atteignent un point dâapogĂ©e en 1930.
A. Lâappel de la Ligue de lâenseignement en 1894
Les amicales et lâensemble des Ćuvres post-scolaires sont nĂ©es dâun constat : les insuffisances de lâĂ©cole primaire et en particulier dâun enseignement limitĂ© Ă 13 ans. Si lâĂ©cole doit offrir un accĂšs au savoir, il sâavĂšre vite que ses moyens restent trop limitĂ©s pour fournir Ă chacun le bagage intellectuel nĂ©cessaire Ă lâexercice de ses droits. « LâĂ©galitĂ© civile conquise en 1789 nâĂ©tait que la prĂ©face de lâĂ©galitĂ© politique et du suffrage universel, le suffrage universel exigeait lâinstruction universelle. Celle-ci nâest rien si lâĂ©ducation morale et civique ne la vient pas complĂ©ter et rendre fĂ©conde ». Une dizaine dâannĂ©es aprĂšs la mise en place de lâĂ©cole, Jean MACĂ en appelle Ă nouveau Ă lâinitiative privĂ©e pour poursuivre lâĆuvre scolaire. La Ligue voudrait, dĂ©clare-t-il « de lâĂ©cole jusquâĂ lâentrĂ©e au rĂ©giment, assurer Ă lâadulte les connaissances acquises pendant lâenfance, diriger leur perfectionnement professionnel, enfin munir le jeune homme trop tĂŽt livrĂ© Ă lui-mĂȘme, des solides principes qui sont indispensables aux citoyens dâune dĂ©mocratie ». LĂ©on BOURGEOIS dĂ©nonce lâabsentĂ©isme scolaire et rĂ©flĂ©chit Ă la rĂ©forme des mĂ©thodes pĂ©dagogiques. En 1894, alors quâil vient de succĂ©der Ă Jean MACĂ Ă la tĂȘte de La Ligue, il reprend les mĂȘmes thĂšmes et, constatant que lâĂtat ne peut faire plus, il en appelle Ă lâesprit solidariste de tous les rĂ©publicains. Lâappel quâil lance au congrĂšs de Nantes en 1894 marque la naissance des petites A, ou amicales des anciens Ă©lĂšves de lâenseignement primaire et primaire supĂ©rieur, destinĂ©es Ă parfaire la formation des adolescents. Pour AgnĂšs THIERCE*, cet appel est un « Ă©vĂ©nement majeur dans lâhistoire de lâadolescence ». Il marque, selon elle, le dĂ©but de la dĂ©dramatisation du regard portĂ© sur lâadolescence. Nous verrons quâeffectivement les militants laĂŻques, Ă la diffĂ©rence des Ă©ducateurs â catholiques souvent â des internats, ou des premiers mĂ©decins psychologues ont une vision trĂšs sereine de cette classe dâĂąge. Toujours est-il que le congrĂšs de Nantes illustre un phĂ©nomĂšne classique : il rend lisible et encourage un mouvement Ă lâĆuvre depuis quelques annĂ©es. La premiĂšre association dâanciens Ă©lĂšves de lâĂ©cole primaire serait nĂ©e au Mans en 1869 et Ă Paris, la premiĂšre amicale serait celle de la rue dâAligre*, fondĂ©e en 1892
Que demande-t-on Ă ces associations ? Si lâon en juge par les publications dâEdouard PETIT*, inspecteur gĂ©nĂ©ral de lâInstruction Publique et grand dĂ©fenseur des amicales laĂŻques, qui Ă©crit en 1910, leurs missions sont extrĂȘmement lourdes et variĂ©es, il en voit trois auxquelles elles pourraient contribuer. En premier lieu, elles pourraient aider Ă lutter contre lâanalphabĂ©tisme , les illettrĂ©s se comptant encore par milliers un quart de siĂšcle apres lâapplication des lois scolaires. On sait effectivement que, sans avoir Ă©tĂ© nĂ©cessairement illettrĂ©s, beaucoup dâĂ©lĂšves quittaient lâĂ©cole sans certificat dâĂ©tudes primaires. Les amicales pourraient aussi, dans le contexte de la crise dâapprentissage, « revendiquer lâhonneur de rĂ©gler cette question si importante du prĂ©apprentissage », pour Ă©viter les dĂ©ceptions du choix dâun mĂ©tier opĂ©rĂ© au hasard. Elles pourraient aussi affiner les goĂ»ts, en particulier lutter contre la trivialitĂ© des spectacles populaires. Plus concrĂštement, il leur assigne trois objets : la rĂ©crĂ©ation (concerts, spectacles, promenades), lâinstruction prolongĂ©e (par des cours variĂ©s) et la coopĂ©ration.
On soupçonne ainsi, vu lâimmense champ dâaction qui leur est ouvert, que les amicales ont prĂ©sentĂ© des visages diffĂ©rents selon les rĂ©gions, les besoins locaux, les choix des militants. La coopĂ©ration donne naissance Ă des activitĂ©s spĂ©cifiques, la mutualitĂ© scolaire et coopĂ©ratives forestiĂšres dans certaines rĂ©gions rurales (Ain, ArdĂšche). Mais les amicales ont encore fort Ă faire. Elles se mobilisent pendant des dĂ©cennies pour poursuivre lâĆuvre de lâĂ©cole au delĂ de la limite lĂ©gale. Au moment mĂȘme oĂč le terme de la scolaritĂ© est fixĂ© Ă 14 ans, sous le Front Populaire, le RĂ©veil du RhĂŽne Ă©crit encore : « nous entrons dans une pĂ©riode oĂč nous voulons crĂ©er la vraie dĂ©mocratie, faire que le peuple puisse voir clair, dĂ©cider, agir. Ceci suppose non seulement lâĂ©ducation rudimentaire qui lui Ă©tait avarement donnĂ©e, mais une Ă©ducation civique beaucoup plus complĂšte, Ă la fois physique et morale et dâesprit moderne. Or, on ne peut y songer dans le cadre Ă©troit de lâĂ©cole enfantine qui nâest pas faite pour cela. Câest Ă des jeunes gens de 14 Ă 20 ans que doit sâadresser cette nouvelle culture, qui est proprement lâenseignement du second degrĂ© pour la masse⊠Il nâest pas question de remettre les jeunes travailleurs Ă lâĂ©cole jusquâĂ leur majoritĂ©. Il faut inventer un type (dâintervention) qui associe les efforts de lâĂtat, des syndicats ouvriers et des Ćuvres laĂŻques dâĂ©ducation ». Si, en 1936, les Ćuvres laĂŻques ne sont plus les seules Ă se voir reconnues dans le champ post-scolaire, leur rĂŽle nâa pas disparu pour autant. Autour dâelles, Le noyau des intervenants sâest Ă©largi, en particulier Ă lâĂtat, mais leur place est toujours reconnueâŠ
B. Une mobilisation des élites républicaines urbaines
Lâappel de LĂ©on BOURGEOIS au congrĂšs de Nantes de 1894 nâa guĂšre dĂ» surprendre les militants laĂŻques Lyonnais. En 1897, le nombre dâamicales atteint la trentaine, Georges AVEYRON, directeur de lâĂ©cole annexe Ă lâĂcole Normale dâInstituteurs a lâidĂ©e de les fĂ©dĂ©rer. Et, en mai 1899, la jeune fĂ©dĂ©ration organise le premier congrĂšs rĂ©gional qui regroupe plus de 300 sociĂ©tĂ©s.
Tout aussi prĂ©coce que Lyon, Roubaix dispose aussi dâune fĂ©dĂ©ration en 1897. Au cours de la premiĂšre dĂ©cennie du XXe siĂšcle, le mouvement de crĂ©ation des amicales sâamplifie, entraĂźnant la tenue, en 1910 au Havre, de leur premier congrĂšs national. Celui-ci accueille 2000 dĂ©lĂ©guĂ©s reprĂ©sentant 1100 amicales, venue de France ou dâAlgĂ©rie. Les dĂ©lĂ©gations de Lyon, de Saint-Etienne et dâAmiens, issues de fĂ©dĂ©rations riches et puissantes sont particuliĂšrement nombreuses.
Le pays compte alors 6000 associations encadrant un million de jeunes filles et de jeunes gens. MĂȘme si le chiffre paraĂźt insuffisant Ă Edouard PETIT*, qui dĂ©plore que cinq millions dâanciens Ă©lĂšves leur Ă©chappent encore, il rĂ©vĂšle une forte capacitĂ© de mobilisation du mouvement laĂŻque. En quinze ans, il est parvenu Ă regrouper un gros pourcentage de la jeunesse dâun pays qui ne disposait alors que dâun encadrement catholique. On sait combien lâEglise avait su rĂ©agir Ă la laĂŻcisation de lâĂ©cole publique en fondant des Ćuvres de jeunesse solidement encadrĂ©es par le clergĂ© et les mouvements dâaction catholique.
Si les instituteurs constituent les cadres du mouvement des amicales, ils bĂ©nĂ©ficient aussi de lâappui des anciens Ă©lĂšves des Ă©coles primaires, qui, devenus adultes, viennent consacrer du temps aux adolescents de leur groupe scolaire.
LâĂ©lan des deux premiĂšres dĂ©cennies se casse en 1914. Lâhistoire des amicales a failli disparaĂźtre sur les champs de bataille de la Grande Guerre. Le vivier de recrutement des amicales Ă©tait le mĂȘme que celui des rĂ©giments. Au lendemain de la guerre, le mouvement laĂŻque est en perte de vitesse et les amicales sont passablement dĂ©sorganisĂ©es. De 32 amicales Ă Lyon fonctionnant en 1914, seules dix ont repris leurs activitĂ©s en 1919. La ville de Lyon est Ă lâimage du mouvement laĂŻque national. La Ligue de lâenseignement est complĂštement dĂ©sorganisĂ©e. Jusquâen 1925, elle traverse une longue pĂ©riode dâinertie. Elle a cessĂ© dâĂȘtre la grande fĂ©dĂ©ration de toutes les Ćuvres scolaires et post-scolaires de France.
Suite au prochain bulletin
Notes :
- AgnĂšs ThiĂ©rcĂ© : docteur en histoire consacre ses recherches Ă lâhistoire de lâadolescence de 1850 Ă 1914 et aux rĂ©voltes collĂ©giennes et lycĂ©ennes du XXe siĂšcle Elle traque la naissance en France de notre conception moderne de lâadolescence. Selon elle, celle-ci se construit au moment oĂč catholiques et laĂŻques se disputent lâencadrement de cette tranche dâĂąge.
- Rue dâAligre : se trouve dans le quartier du Faubourg St Antoine dans le 12e arrondissement entre le marchĂ© Beauvau et la rue de Charenton Ă Paris.
- Edouard PETIT : Docteur en lettres, inspecteur gĂ©nĂ©ral de lâInstruction Publique en 1900, pĂ©dagogue, historien, sociologue de lâEducation convaincu des vertus de lâInstruction Publique pour lâensemble de la population, jeune ou adulte. Organisateur des Ćuvres scolaires et post-scolaires, rĂ©dacteur dâun rapport sur lâEducation Populaire, fondateur dâassociations de mutualitĂ© scolaire. 1858-1917